Contexte territorial
Le projet s’inscrit sur la zone méditerranéenne française, une aire de production viticole importante. L’ancienne région Languedoc-Roussillon concentre 30 % des surfaces du vignoble français avec 236 500 hectares et constitue la première région viticole française (Agreste, 2012). La Provence prolonge le Languedoc avec une superficie cultivée de 89 500 ha (Agreste, 2019), dont 56 % en Vaucluse, 31% dans le Var et 11% en Bouches du Rhône. La viticulture y est confrontée à de multiples enjeux, dont la résilience aux changements climatiques (fréquence, durée et intensité des sécheresse estivales, périodes caniculaires et précipitations). Ces changements affectent les vignobles en modifiant la phénologie de la vigne et les qualités oenologiques des baies, notamment par une augmentation des concentration des composés phénoliques, diminution de la taille des baies, augmentation des sucres et baisses de l’acidité (Van Leeuwen et al., 2017). Les viticulteurs sont en parallèle confrontés à la gestion de nombreux bio-agresseurs, principalement fongiques, et d’arthropodes variés contre lesquels les solutions de gestion phytosanitaire sont restreintes et sur lesquelles pèsent des attentes sociétales fortes. Pour faire face à ces contraintes, les viticulteurs et la filière travaillent sur de nombreux leviers agronomiques (irrigation, couverts végétaux ou la sélection variétale de cépages et de porte-greffes) dont l’agroforesterie.
Caractérisée par l’introduction d’aménagements arborés en périphérie ou au sein des parcelles viticoles, cette pratique est susceptible d’influencer le microclimat et la biodiversité des parcelles et a ainsi le potentiel d’améliorer la résilience climatique et économique des exploitations viticoles.
Contexte scientifique et technique
Les haies et les arbres intraparcellaires peuvent générer un microclimat d’intérêt dans un contexte de changement climatique, notamment dans une région déjà touchée par des aléas climatiques. Par exemple les haies peuvent jouer un effet brise vent, entraînant des modifications du microclimat sur des distances conséquentes, jusqu’à 10 ou 20 fois la hauteur de la haie (Cleugh, 1998). Une étude conduite en 1982 en Californie, mettait par exemple en évidence des températures supérieures des feuilles, de 1 à 2 °C en zone abritée en comparaison de zone non abritée par une haie, avec des différences importantes d’activité photosynthétique, supérieure en zone abritée. Une étude plus récente (Bourgade et al., 2020) conduite en région bordelaise dans le cadre du projet Vitiforest a soulevé l’hypothèse de l’existence d’un flux d’air rafraichissant le rang de vigne situé au sud d’une haie, par la création d’une cellule de convection, en période caniculaire. Des études menées sur d’autres systèmes agroforestiers avec des densités d’arbres intraparcellaires d’une centaine d’arbres/ha ont mis en évidence des réductions de températures de l’air pouvant atteindre 3 à 6 °C pendant des épisodes caniculaires (Béral et al., 2018).
Ces effets complexes, peuvent entraîner de nombreuses modifications dans la croissance, le développement, le statut hydrique ou encore les performances agronomiques des vignes. Il n’existe aujourd’hui que peu d’études portant sur ces effets sur la vigne. Les quelques études sur le sujet montrent un effet direct de l’ombrage des arbres sur la phénologie de la vigne, et entraine une baisse d’acidité et de pigmentation des baies. L'ombrage apporté par des arbres ou des haies peut influencer le microclimat des vignes à proximité et réduire la température du feuillage et des baies, ce qui peut impacter la maturation du raisin et sa composition à la récolte (en jouant sur la taille des baies), et la genèse ou dégradation des marqueurs de qualité tels que les anthocyanes, polyphénols, précurseurs d'arômes (Dokoozlian and Kliewer, 1996 ; Lee, 2010 ; Greer et al., 2019). Une étude conduite en Australie (Greer et al., 2019) sur cépage Syrah conduit en cordons et irrigué, s’est intéressée au comportement de la vigne en fonction de 3 niveaux d’ombrages (10, 30 et 50% du témoin). L’ombrage a globalement augmenté la taille maximale et diminué la matière sèche des baies. Fait intéressant, soulignant la complexité des interactions, une année en particulier, l’ombrage a augmenté le °brix des baies. Les températures plus fortes en parcelles moins ombragées ont provoqué un arrêt de l’accumulation de sucres durant plusieurs jours.
D’après les travaux menés au domaine de Restinclières (Prades-le-Lez, 34), les phénomènes de compétitions pour l’azote et l’eau sont forts sur le premier rang mais disparaîtraient dès le second. Les travaux sur l’effets des haies en grandes culture (Osorio et al., 2019, Laura et al. 2017) laissent cependant penser que sans gestion et selon les essences, ces phénomènes peuvent être largement supérieurs en distance, jusqu’à 2 ou 4 fois la hauteur des arbres. Il n’existe pas de référence sur l’effet des haies sur la production et la qualité du raisin à travers des phénomènes de compétition.