A la fin du projet, le modèle ne nous permet pas encore de quantifier les réductions de lixiviations de nitrates sous un peuplement agroforestier dans des conditions pédoclimatiques quelconques. Il nécessite pour cela des calages qui restent à effectuer, et qui n'ont été achevés que pour deux situations (Languedoc et Beauvais).
Mais pour ces deux situations contrastées, ce modèle nous a permis de montrer qu'en opérant un prélèvement à la source, les arbres agroforestiers sont efficaces pour réduire les flux de nitrates générés par les cultures agricoles vers les eaux souterraines. Leur enracinement profond et leur cycle de prélèvement d'azote, souvent décalé du cycle des cultures, sont les deux explications majeures de cette efficacité.
Ainsi :
- En zone méditerranéenne, les arbres seront particulièrement efficaces lors des chasses d'eau et de nitrates déclenchées par les fortes précipitations d'automne. Le risque de lixiviation est alors intense, notamment à cause des températures qui sont alors encore élevées.
- En climat océanique à pluies mieux réparties, les arbres seront très efficaces pour ce piégeage si des drainages importants ont lieu au cours de la saison de croissance.
C'est en climat à pluies surtout hivernales que le piégeage pourrait être moins efficace.
Il reste cependant significatif car l'assèchement estival profond des sols par les arbres augmente leur capacité de stockage, réduit la minéralisation, et permet de limiter la descente en profondeur des nitrates, qui pourront être prélevés par les arbres au printemps suivant.
Le rôle des mycorhizes des arbres dans l'efficacité de pièges à nitrates reste à préciser, et pourrait accroître cette efficacité dans le cas où arbres et cultures partageraient les mêmes mycorhizes.
Nos simulations montrent que dans les deux cas de figure (climat méditerranéen et océanique), les systèmes agroforestiers sont très efficaces pour réduire les pertes d'azote à partir du moment où les arbres sont suffisamment développés. En pratique, il faut que les arbres atteignent une hauteur égale à la moitié de l'espacement entre les lignes de plantation. Cela correspond à une dizaine d'années pour des noyers plantés à 20 m d'espacement entre lignes, où à 5 années pour des peupliers plantés à 25 m d'espacement entre lignes.
On peut généraliser ce résultat en suggérant que le peuplement agroforestier devient efficace à partir du quart de la durée de la rotation, et très efficace pendant la seconde moitié de la rotation. Dans ces conditions, la conversion à l'agroforesterie des zones de captage est la stratégie la moins coûteuse pour les collectivités locales et les autorités responsables de la potabilisation des eaux de captage. Nous avons calculé une efficacité du retour sur investissement très supérieure à celle que l'on peut attendre des autres options (achat du foncier et boisement, ou conversion à l'agriculture biologique). Bien entendu, lorsque la conversion à l'agriculture biologique est possible, elle doit être favorisée. Mais l'agroforesterie est une option moins contraignante qui peut séduire un plus large panel d'agriculteurs, à un coût raisonnable pour la collectivité. Ces deux options peuvent d'ailleurs se rejoindre, sous la forme d'une agroforesterie avec cultures intercalaires biologiques.
Nous suggérons enfin une stratégie nouvelle : une conversion agroforestière accompagnée d'une réduction forte et contractuelle des fertilisations azotées, qui pourrait faire l'objet d'un accompagnement spécifique par les collectivités.